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Le blog de carambolingue.over-blog.com

la rencontre des langues, avec ses télescopages, ses convergences, ses accidents, ses trouvailles... pour renvoyer le reflet d'un miroir sonore réflexif... ou simplement créer, jongler, rêver en sons humains !

Nko mark & co

Publié le 27 Février 2016 par carambolingue

As you shout « mark » when you want to be considered as a ball carrier, to do for talk carrier ?

Le propos d'un diseur, d'une diseuse se fait parfois accompagner de marqueurs et rien qu'avec cela, on peut faire tout un numéro spécial de la revue Langue française, le numéro 186, juin 2015...

Il convient d'abord de reconnaître qu'en français, le verbe dire est le plus employé après être, avoir, faire (dictionnaire des fréquences du CNRS)...

On peut se demander ce qu'il en est dans d'autres langues, mais ce n'est facile de trouver...

En Portugais, le même genre de comptage donne : 1.ser (être) 2.ter (avoir) 3.estar (autre forme d'être) 4.dizer (qui dans cette langue est donc plus fréquent que l'équivalent du verbe faire).

En tout cas, dire semble se dire d'une façon ou d'une autre en toute langue...

jusqu'à nko qui est, en mandinkan, à la fois « je dis » et le nom d'une forme d'écriture inventée dans les années cinquante par Solomana Kante...

C'est bien vrai qu'on l'ajoute souvent à ce qu'on dit, le verbe dire, à l'impératif, sans fondamentalement changer le sens de la phrase...

_ Dis, tu n'as pas vu la clé de ma montre ? (renforce la demande de réponse ?)

_ Disons qu'il y a désormais un petit problème quand je veux remonter ma montre... (accentue une forme d'embarras ?)

_ Elle te plaît, dis, dis ? (presse la quête d'approbation de l'autre ?)

Dans des formules plus complexes, à partir toujours du verbe dire, se forment des marqueurs pour adoucir les métaphores qui pourraient être jugées trop hardies ?

Au fait, toutes les langues ont-elles le même usage des métaphores ?...

https://youtu.be/oiVr8qizMgY

En langue pulaar telle qu'elle est parlée au Mali, mais plus largement dans les langues parlées au Mali et en Afrique de l'ouest, les métaphores pour traduire les particularités humaines usent de comparaisons ethniques, sur un mode de voisinage à plaisanterie qui ne choque pas les "locaux"...

Il n'y a donc pas besoin d'adoucisseur verbal, dans ce cas, l'usage étant établi. Pourtant on peut se demander si, dans certaines formes d'adressage à l'autre sur le mode du voisinage à plaisanterie en Afrique de l'ouest, le sourire associé à l'apparente invective n'est pas un adoucisseur en soi...

Or, dès l'Antiquité, Cicéron préconisait (p.14 de Langue française n°186) d'adoucir (mollienda) une métaphore trop hardie par des expressions telles que « pour ainsi dire », « s'il est permis de dire », « en quelque sorte », « passez-moi le terme »...

L'expression particulière « s'il faut dire ainsi » serait apparue fin XVème mais serait tombée au XVIIème siècle car elle paraissait déprécier l'interlocuteur, incapable de comprendre mieux (p.22)...

Je pense alors au rhétorique « i man lala ? » (« tu ne crois pas ? ») de la conversation en mandinkan auquel il est très impoli de répondre par la négative, ce qui pourrait se faire en français...

« si je puis dire » (p.26) a aussi une apparition datée, fin XVIIIème siècle. Je me souviens surtout qu'il a surgi venant d'ailleurs dans mon milieu régional et social d'enfance (sud-ouest, années soixante, classe devenant moyenne) où on le moquait systématiquement en « si ch'puis dire »...

Les marqueurs ont aussi leurs scores de fréquence dans la presse : une étude de 2013 (p.28) faite dans l'Equipe, Libération, Le Figaro montre que « en quelque sorte » l'emporte nettement pour tous.

Il est vrai que « dire » ne s'inscrit pas dans ce marqueur-là... Or, ce qui est intéressant est quand dire s'associe à d'autres personnes que le locuteur et entre dans un jeu de polyphonie (pp70-71)...

On trouve des équivalents dans des langues européennes : dimmi pour l'italien, dime mais plutôt oye

pour l'espagnol (où c'est donc l'écoute qui est sollicitée, comme dans nombre de langues africaines, telle la langue mandinkan où l'expression i tulo laa, qui peut se traduire par écoute, laisse paraître le mot oreille et fait de se dire qu'il faut l'appliquer là...

Una storia di orrechio, ciò ti piace, dimmi ?

Philippe Sahuc Saüc

pour toute réaction, tout contact : helipsahuc@wanadoo.fr

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