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Le blog de carambolingue.over-blog.com

la rencontre des langues, avec ses télescopages, ses convergences, ses accidents, ses trouvailles... pour renvoyer le reflet d'un miroir sonore réflexif... ou simplement créer, jongler, rêver en sons humains !

Bi-narro

Publié le 26 Décembre 2015 par carambolingue

Voici un Carambolingue toujours sans vidéo pour cause de service minimum informatique en sa fabrique, sans image et sans son, silencieux donc comme le décembre enneigé que nous n'avons présentement pas à hauteur du 45 ème parallèle nord...

Il est donc plaisant de l'imaginer, imaginer autour de nous une épaisseur feutrée atténuant les sons et invitant à reporter toute notre attention sur les traces imprimées...

Ne nous privons pas pour autant de renverser ce que la télévision nous serine à cette saison, quelle qu'en soit la couleur, et proposons-nous :

Let it snoop, let it snoop, let it snoop...

à partir de là que les furets, que les très fu, furètent...

Qu'ils furètent, pourquoi pas, le long du...

binario ?

Après tout, c'est à partir des réseaux ferrés qu'Umberto Eco (Lector in fabula, 1979) nous invite à imaginer les embranchements de compréhension qui s'offrent à des lecteurs munis d'encyclopédies différentes...

Milan--Florence--Empoli--Sienne ou Milan--Florence--Terontola--Chiusi--Sienne ?

Dans mon encyclopédie carambolingienne mais en même temps toute personnelle, les deux trajets évoquent des choses bien différentes, pour ne pas dire opposées...

Dès que je lis Empoli, je désitalianise le nom pour passer par l'occitan En polit qui désignerait un domaine joli tout en me rappelant que le mot italien proche de polit, pulito, désigne la propreté. Bref, passer par Empoli serait pour moi gage d'une ouverture, d'une potentialité de passer d'une langue à l'autre. Alors que, de l'autre côté, je sais assez d'italien pour que Chiusi m'évoque des fermetures...

Binario = bi-narro ? il est vrai que les deux rails me racontent des histoires forts différentes...

Qu'en est-il de la diversité d'itinéraires qu'emprunta Babur, au tout début du XVIème siècle, pour aller de Kaboul à Herat, dans le Khorasan ? Certes il ne suffisait pas de suivre des rails...

Kaboul--Ghorband--Chïbartu--Herat ou Kaboul--Gardïz--montagnes de Maydan-ï-Rustam--Herat ?

Dans un premier temps, l'encyclopédie attache à Kaboul, point de départ, les références de violence qu'une actualité récente y a imprimées... Dommage d'oublier qu'il y a eu à Kaboul, au temps de Babur, un palais des vergers ! Quant au Khorasan, à l'inverse, mon encyclopédie le rattache d'emblée aux Mille nuits et une nuit et je n'ai aucun mal à imaginer son jardin neuf, son jardin blanc... Reste la suggestive évocation de montagnes pour l'un des trajets, encore plus suggestive en voyant les formes de l'écriture baburï (ah, dommage de ne pouvoir actuellement inclure ici d'images...) dont certaines pointent de larges triangles vers le haut et pas seulement des dômes ou des flèches comme l'écriture arabe...

Faut-il donc des évocations lointaines pour que nos encyclopédies personnelles nous fassent dérailler ?

Eh bien non, Jacques Brel m'en a fourni un beau cas, lui qui me serine Marieke depuis que j'ai dans les dix-sept ans.

Zonder liefde--Warme liefde--Waait de wind--De stomme wind--Weent de zee--De grijze zee, un trajet ?

Pendant des années, habitué des trajets en train régional et notamment de ces trajets de région parisienne où s'égrènent des noms de gare à une variante près (Nanterre ville--Nanterre université ; Massy Verrières--Massy Palaiseau ; Plaisir les Clayes--Plaisir Grignon), j'ai cru que Brel égrenait les noms de gare de Bruges à Gand. Je trouvais cette énumération très poétique et, porteur d'une encyclopédie géographiquement sommaire mais assez fournie en connaissance de l'ensemble des chansons de Brel, j'y ai entendu le vent du nord, senti annoncé les dunes, entendu aussi les roulements des vagues de la Mer du nord... Ce n'est qu'aujourd'hui que, découvrant une traduction de la chanson en anglais, j'ai compris qu'il y était directement question d'amour, de vent, de mer... Dire que, sans me référer directement à Carmen, j'ai associé pendant longtemps liefde, l'amour flamand, à "gare"...

Amour, prends gare d'à toi ! En Khorasan, d'ailleurs... Adesso chiuso !

Philippe Sahuc Saüc

pour toute réaction, tout contact : helipsahuc@wanadoo.fr

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